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    Elle était déchaussée, elle était décoiffée,
    Assise, les pieds nus, parmi les joncs penchants ;
    Moi qui passais par là, je crus voir une fée,
    Et je lui dis : Veux-tu t'en venir dans les champs ?

    Elle me regarda de ce regard suprême
    Qui reste à la beauté quand nous en triomphons,
    Et je lui dis : Veux-tu, c'est le mois où l'on aime,
    Veux-tu nous en aller sous les arbres profonds ?

    Elle essuya ses pieds à l'herbe de la rive ;
    Elle me regarda pour la seconde fois,
    Et la belle folâtre alors devint pensive.
    Oh ! comme les oiseaux chantaient au fond des bois !

    Comme l'eau caressait doucement le rivage !
    Je vis venir à moi, dans les grands roseaux verts,
    La belle fille heureuse, effarée et sauvage,
    Ses cheveux dans ses yeux, et riant au travers.

                                                                    Victor HUGO

                                                                   ( 1802 - 1885 )
     
      


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  •                                                                                                                    Ces flammes dans la nuit

                                                                                                             ne dirait-on pas un couple qui danse ?    Prima

    Bouquet de flammes...
    Bouquet de flammes (que délie
    Des faveurs l'innocent larcin)
    Où se noyer en compagnie
    Des colombes de la Saint Jean.

    De l'eau qui ne peut en son lit
    Obtenir la tranquillité,
    Et des feux oisifs qui s'ennuient
    Loin des lieux par Vénus hantés,

    Roucoulent les vagues, singeant
    Dans leur adorable colère
    Un sein qui se gonfle de lait.
    Ou de désir ? Plutôt cela.

    Raymond RADIGUET   (1903-1923)


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    Le vent violent du soleil
    vibre encore
    dans la voix du coucou

     Kawahigashi Hekigotô
                    

    ***

    je souhaite à chacun de vous
     un très bon week-end
    et
    une très agréable soirée
    autour des feux de la Saint-Jean

    Prima




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  • Vous pourrez fuir à tout jamais au bras d'un homme
    Qui saura celui-là le goût de pluie et d'eau
    Sur la dernière rose et la première pomme
    Que doit avoir votre baiser...Il fera beau...

    Vous rêverez devant les îles Borromées,
    Et la lune sera la perle de la nuit,
    Et les brises seront calmes et parfumées,
    Et vous vous lèverez quand sonnera minuit.

    Et j'imagine tout : le Palace, la chambre,
    Vos souliers de velours sur le tapis laissés,
    La divine douceur de la nuit de septembre
    Où monteront les cris des violons blessés.

    Il aura, celui-là, vos blancheurs inconnues
    De jeune fille, et vos parfums, votre bras clair,
    Les purs secrets neigeux de vos épaules nues.
    Il aura tout...il n'aura rien que votre chair !

    Le meilleur de l'amour, son éveil et son aube,
    Souvenez-vous, c'est moi qui les ai pour toujours.
    On se prenait les mains quand séchait votre robe
    Que l'orage trempait sous les feuillages lourds.

    Nos yeux savaient comment l'âme fait signe à l'âme;
    Nous nous tenions les mains comme on tient un trèsor,
    Et j'étais plus qu'un homme, et vous, plus qu'une femme ;

    Et ce n'est que cela qui compte dans la vie.
    Cet infini qui tremble au fond d'un bel oeil pur
    Je l'eus, que voulez-vous désormais que j'envie ?
    Ma part est la meilleure, elle est faite d'azur.


                                                             Leo LARGUIER
                                                              ( 1878 - 1950 )

     


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  • Nous nous faisons, en général, une bien fausse idée du temps. Nous l'accusons de nous ôter nos illusions, d'étouffer nos espérances, d'effacer nos regrets aussi bien que nos joies, d'effeuiller dans nos parterres nos fleurs les plus choyées, d'éteindre dans nos cieux nos plus belles étoiles. Nous nous trompons, le temps n'emporte rien. Nos illusions, c'est nous-mêmes qui dépouillons leurs ailes, pour écrire avec leurs plumes une élégie sur leur perte ; c'est nous qui tuons l'espoir en l'embrassant ; c'est nous qui soufflons sur nos joies, qui tendons nos larmes au soleil pour qu'il sèche nos joues ; c'est nous qui saccageons nos fleurs pour en semer d'autres qui ne viendront pas ; c'est nous qui fermons les yeux pour nier les étoiles.
    Quant à moi, je n'ai rien perdu. Sous la surface glacée de ma source, l'eau vive coule toujours ; l'herbe est verte sous le givre de mon automne. Que me dites-vous que mes beaux jours sont passés ? Ils ne sont pas morts puisque je m'en souviens.
    .
                                                                                          Jules LEFEVRE-DAUMIER
                                                                                                    ( 1789 - 1857 )

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